St Agnes iles Scilly : à la découverte d’une perle.

Quand on a gouté aux charmes d’une croisière aux iles Scilly en voilier, c’est rare qu’on n’ait pas envie d’y revenir. Difficile sur une ou deux semaines de croisière aux Scilly de tout voir. L’archipel ne compte pourtant que cinq îles, et s’étend sur 6 milles nautiques d’Est en Ouest et du Nord au Sud. Les rochers de Western Rock prolongent le plateau dans le Sud-Ouest jusqu’au Phare de Bishop situé à 3 milles ½ de St Agnès. Cette île de St Agnès est la plus sud de l’archipel. Si certain la considère comme la plus sauvage, elle offre tous les services attendus par un marin en escale : un bureau de la Post Office, une ferme dont les vaches produisent une crème exceptionnelle pour l’irish coffee, un pub, et un mouillage de rêve… Bref passer aux Scilly sans avoir eu le temps de mouiller à St Agnès, c’est déjà une bonne raison pour revenir en croisière aux Scilly ! St Agnes iles Scilly

Lord Jim au mouillage à St Agnes

A quoi ressemble l’ile de St Agnes et l’ile de Gugh ?

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Plan de St Agnes - Scilly

St Agnes iles Scilly (Aganas en cornique) est une des plus petites îles de l’archipel des Sorlingues. Sa superficie est de 1,48 km2. Elle est reliée à un ilot voisin, l’ile de Gugh, par un tombolo le « Gugh Bar ». Ce cordon de sable clair qui découvre uniquement à marée basse, sépare la passe entre St Agnes et Gugh en deux mouillages protégés des vents de nord ou de sud.
L’ile de St Agnes est l’une des cinq communes de l’archipel avec St Mary, St Martin, Tresco et Bryher. A la commune de St Agnes sont rattachées les iles de Gugh et d’Annet ainsi que les ilots (Rosevear, Pednathise Head…) et rochers des Western Rock jusqu’au phare de Bishop Rock, ce qui fait de St Agnes la commune la plus méridionale de toute la Grande Bretagne. La population de St Agnes s’élève à 82 habitants (recensement 2011), elle est la moins peuplée des îles Scilly, même en rajoutant les trois habitants de Gugh… Au 17ème siècle de nombreux habitants de St Agnes travaillaient comme « Cornish Pilot Gig » au pilotage des voiliers à l’entrée de Manche. A chaque pilote était associé un équipage de rameurs pour équiper une gig. Aujourd’hui l’activité principale de l’ile est tournée vers le tourisme et l’agriculture (culture des bulbes). La ferme de Troy Town possède neuf vaches laitières. Ils vendent directement leur lait sur St Agnes ainsi que de délicieuses glaces maison. Pour ceux qui préfèrent une pinte de Lager pour se rafraichir, direction « The Turk’s Head », le seul pub de l’ile, installé dans l’ancien bâtiment du bateau de sauvetage. Cette station de sauvetage a fonctionné de 1891 à 1920. La rampe de mise à l’eau du canot de sauvetage se trouve juste en face du Pub.

Lord Jim Au mouillage devant le The Turk’s Head pub

Le Phare de St Agnes

Mais celui que vous remarquerez en premier en arrivant à St Agnes et qui domine toute l’ile, est ce phare un peu ventru, coiffé d’une grande optique. Sa tour blanche est un amer remarquable. Il n’est plus en service depuis 1911 et la maison des gardiens a été reconvertie en résidence privée. Si aujourd’hui le phare de Bishop est le plus connu des Scilly, le phare discret de St Agnes a pourtant une sacrée histoire.

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View_Of_St_Agnes_Scilly_Isles


A partir de 1680, le Trinity House Lighthouse Service de Londres, chargé de l’organisation du trafic maritime sur les côtes d’Angleterre, entame l’installation de phares pour sécuriser les principales zones de navigation. Il faut dire qu’à l’époque les cartes marines étaient plutôt imprécises, les Scilly étaient ainsi situées 10 milles nautiques trop au Nord… Trinity House a choisi l’ile de St Agnes car elle assure l’atterrissage en entrée de Manche, guide le trafic montant vers l’Irlande et le Pays de Galles, et protège des dangers des Western Rocks. Le phare de St Agnes datant de 1680, est le premier construit aux Scilly, et le deuxième phare construit pour guider les navires navigant en Manche. Le premier était le phare de la Pointe de Lizard en Cornouailles anglaise, construit en 1619. Le phare de St Agnes a fonctionné au charbon jusqu’en 1780, date à laquelle il a été converti à l’huile, avec des lampes de cuivre et vingt et un réflecteurs rotatifs. A l’origine il ne possédait aucune optique. Le large réceptacle ouvert dans lequel on faisait le feu est aujourd’hui exposé au Jardin Exotique de l’ile de Tresco.

La construction du phare de St Agnes en 1680 n’a pas fait que des heureux… Les fonctionnaires de l’Ile de Wight se sont plaint qu’ils allaient perdre les revenus des droits de port car les navires préféreraient relâcher aux Scilly, et le gouverneur des îles Scilly qu’il perdrait l’argent généré par les naufrages… En 1911 le phare de St Agnes est remplacé par celui de la pointe de Peninnis Head sur l’ile de St Mary. Sa grande tour blanche de 22,5 m de haut est réduite aujourd’hui au simple rôle d’amer pour la navigation de jour. Le phare, protégé en tant que monument classé du Royaume-Uni, est toujours la propriété de Trinity House.

Le mouillage entre les îles de St Agnes et Gugh

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La passe entre St Agnes et Gugh est barrée à marée basse par un cordon de sable le « Gugh Bar ».

Cale de débarquement à St Agnes

On peut mouiller sur des fonds de sable au sud de ce cordon dans « the Cow » ou au nord à « Porth Conger ». Le mouillage au nord donne accès à la cale de débarquement utilisée par les vedettes de passagers. Même si ces mouillages restent précaires en cas de forte houle ou de vent fort, l’escale y est vraiment sympa.

Lord Jim au mouillage a st Agnes Scilly
Lord Jim au mouillage à St Agnes

SHAH, le pilot gig de St Agnes, navigue toujours à 150 ans!

Shah gig de St Agnes

Lors d’une escale sur St Agnes l’équipage de Lord Jim a assisté à la sortie d’entrainement du mercredi soir de Shah. Cette gig fêtera ses 150 ans d’ici peu, mais sa coque bleue est toujours aussi affutée. Shah a été construite en 1873 par Nicholas Peters à St Maws en face de Falmouth en Cornouailles. Le but était de fabriquer des bateaux rapides, et Shah a été plutôt bien réussie. En 1903 Shah est bannie d’une course de gigs car elle est « trop rapide » ! Aujourd’hui elle défend toujours les couleurs de son île à l’occasion des courses de gigs.

Mais comme de nombreuses autres gigs, elles assuraient depuis le 17ème siècle, la dépose des pilotes sur les voiliers marchands et permettaient d’intervenir en cas de naufrages. L’île de St Agnes est la plus proche des Western Rocks, une zone particulièrement piégeuse avec ses cailloux, la houle qui déferle dessus et les forts courants qui traversent le tout… Dès qu’une voile était repérée, les gigs de St Agnes étaient souvent les premiers à aborder le voilier pour déposer leur pilote ou porter assistance. Les besoins en pilote étaient tels que St Agnes a compté jusqu’à quatre équipages de gigs avec pilote, six rameurs et un barreur. Malheureusement cela ne se passait pas toujours aussi bien. En 1700, deux gigs de St Agnes chavirent et perdent leurs équipages, en tentant de récupérer des naufragés réfugiés depuis plusieurs jours sur un rocher.

Jack Hicks et Richard Legg Cornish Pilot
Les deux derniers pilotes de St Agnes en activité: à gauche, Jack Hicks et à droite Richard Grenfell Legg qui fut le « pilote N°2 » de St Agnes de 1928 à 1958.

Parmi les nombreuses gigs construites à cette époque pour les pilotes de St Agnes, on trouve Gipsy construite à St Mary par Tiddy en 1858. Jack Hicks, pilote de St Agnes sur Gipsy, fut le dernier « Cornish Pilot Gig » à être déposé et enregistré sur un voilier, le Foremost, le 22 décembre 1938. O&M une autre gig de St Agnes a une histoire particulièrement riche. En 1887, O&M participe au sauvetage du steamer Castleford ,échoué en pleine brume sur la roche Crebawethan. Après avoir récupérées les passagers et l’équipage, les deux gigs Gipsy et O&M repartent récupérer la cargaison… 450 têtes de bétail. Veaux, vaches et bœufs seront tous débarqués sains et saufs. Quand on sait qu’une gig mesure 9.8m de long pour 1.47m de large, on image le travail… Pendant un des trajets, un bœuf perce la coque de Gipsy d’un coup de corne. L’équipage est obligé d’enlever ses chaussettes pour fabriquer une pinoche. Quand le club de Padstow en 1955 rachète Gipsy, il découvre le trou et la réparation sommaire réalisée avec les chaussettes d’époque.

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