Une formation voile habitable en Iroise

De retour d’une formation voile habitable au départ de Brest avec pour thème « cartographie et pilotage ». Je reviens sur ces 4 jours de formation aux bases de la navigation dans les chenaux et courants de la mer d’Iroise. En cette fin avril 2025, nous sommes trois participants embarqués avec Yann de Kerdrel, skipper du Lord Jim 2 pour apprendre à naviguer en toute sécurité, sans GPS dans ces parages délicats. Marin professionnel depuis plus de 20 ans, ancien capitaine de La Recouvrance, la célèbre goélette à hunier de la ville de Brest, Yann connaît les parages comme sa poche. Il est probablement le mieux placé pour encadrer une formation voile habitable !
A la base d’une formation voile habitable : le pilotage
Il y certes beaucoup de sujets à maîtriser pour pouvoir maîtriser un voilier de croisière et être chef de bord. Mais ce qui différencie vraiment le navire habitable de la voile légère, c’est que nous ne pouvons pas venir taquiner les rochers. Talonner avec un quillard peut être lourd de conséquence. Il faut donc maîtriser sa trajectoire, son environnement. Là commence le pilotage. Outils de base : une carte, un compas, une ficelle. Avec juste cela nous allons apprendre à naviguer en toute sécurité dans ces parages délicats.

Cartographie et points cardinaux
Avant de quitter le port de Brest, nous commençons par un temps d’étude et lecture de carte marine. C’est LA référence pour la navigation. Le balisage viendra en aide mais ne se suffit pas à lui même. Contrairement à ce que l’on enseigne souvent dans les « permis bateau », vous pouvez passer au nord d’une cardinal nord et talonner ! Si si, vous pouvez même passer à pied parfois !!! Donc si vous ne savez pas bien lire une carte marine : il y a danger !
Le pilotage

C’est donc avec la carte sous les yeux et le compas sous le nez que nous quittons Brest. Goulet de Brest, pointe du Toulinguet : nous évoluons en repérant chaque élément du paysage et en se posant les bonnes questions : la côte est elle accore ? La rouge que je vois est elle forcément celle indiquée sur la carte ? Dois-je respecter la cardinale ?
Nous nous situons suffisamment précisément sur la carte par des méthodes simples : j’ai le phare de Petit Minou par le travers, et je fais route plein ouest, je suis donc en plein dans son sud… il n’y a pas besoin de connaître sa position exacte pour naviguer en toute sécurité, mais surtout savoir que nous évoluons en zones claires.
Les alignements en formation voile habitable
Passée la Pointe du Toulinguet, Hugues s’attaque aux passages des chenaux autour des Roches du Toulinguet. Malgré plus de deux traversées de l’Atlantique à son actif, il a bien conscience de ses lacunes concernant les bases de la navigation. C’est donc avec application qu’il repère les alignements permettant de doubler les écueils en toute sécurité. Et c’est là que l’on comprend l’énorme différence entre un apprentissage théorique et la pratique. En effet le paysage évolue très vite, un amer est à contre jour, un autre noyé dans la brume. La balise qui paraît conséquente sur la carte, est en fait ridicule en réalité comparée au phare, qui lui apparaît en tout petit sur la carte…
Et c’est aussi une bien belle journée de navigation. Belles lumières, escale du midi à l’ancre dans l’anse de Penn Hir après un passage dans les Tas de pois. Enfin un mouillage idyllique, sous une cascade et un paysage digne de Corse, à l’abri d’une crique de Morgat.

Le phare de Tévennec et l’île de Sein.
La formation voile habitable se poursuit vers l’île de Sein. Au près, avec une jolie brise, nous prenons un ris avant de passer au pied du phare de Tévennec. Là aussi, l’étude de la carte et les méthodes de pilotage permettent un passage. Ça pourrait paraître osé, bien maitrisé et en restant concentré ça se fait bien. Embouquons ensuite le chenal Nord de Sein avec un alignement là aussi plus délicat qu’il n’y paraît et mouillons face au phare de Men Brial.
Nous avons ici le temps de profiter de l’île, de monter au grand phare et admirer le paysage. A l’ouest, la chaussée tout au fond, le fameux phare d’Ar Men. A l’est, la pointe du Raz, la Vielle, la plate, le sémaphore. Nous en profitons pour bien repérer ce paysage complexe avant la navigation de demain qui se fera de nuit. Mais avant : petit apéro bien à l’abri Quai sud puis Langouste à bord, une fois n’est pas coutume !
Raz de Sein de nuit pour cette formation voile habitable

Mardi matin, nous appareillons à 5 heures. Nuit noire mais très belle visibilité : c’est une myriade d’éclats et de faisceaux de phares qui nous entourent. Parfait pour mettre en pratique le pilotage de nuit. Nous sortons par la passe orientale en respectant le feu auxiliaire de Sein. Phare à secteurs, il nous permet de sortir de ce « tas de cailloux » en toute sécurité. Puis nous enchaînons une succession de secteurs qui nous permettent de traverser le Raz en toute sécurité et toujours… sans GPS.
Cerise sur le Gâteau : le Trouz Yar
Pour le pour le plaisir et comme la météo nous le permet : Yann nous propose un petit passage délicat mais sublime : la passe du Trouz Yar. Située entre la pointe de Raz et le phare de la Vielle, c’est une passe très étroite autrefois pratiquée par les patrons de cotres de pêche qui avaient une grande maîtrise du pilotage. Nous nous présentons par le sud, avec le début du flot (courant de la marée montante) au levé du jour. Le passage est féérique et restera gravé dans nos mémoires !

Coup de vent de sud ouest
Un Bulletin Métrologique Spécial nous annonce un coup de vent de sud ouest pour la soirée et la nuit prochaine. Après étude de la carte et des escales bien abritées de ces vents, nous décidons de remonter l’Aulne et de nous abriter au fond de cette magnifique rivière. C’est là un sujet à part entière d’une formation voile habitable : adapter son itinéraire à la météo.
C’est sous spi que nous venons repérer la Pointe Saint Mathieu puis embouquer le Goulet de Brest. Suit une pause méridienne au mouillage à Roscanvel pour le déjeuner suivi d’une petite sieste. C’est qu’on s’est levé à 5 heures du matin tout de même !
La remontée de la Rade Sud nous change complétement d’ambiance. C’est une très belle zone de navigation qui s’enfonce dans les terres. Toute bordée d’arbres et parsemée de rivières s’enfonçant vers des petits ports à sec. A Landévennec, nous doublons l’Abbaye Cistercienne et le cimetière de bateaux. Le pont de Terennez est en vue. Nous remonterons en amont, et mouillons sous le Menez Hom : splendide et ultra abrité !

Observation et anticipation Formation voile habitable
Bien d’autres sujets serons à travailler pour pouvoir prétendre être skipper d’un voilier habitable. Mais cette maîtrise du pilotage reste la première condition pour pouvoir s’aventurer sur des navigations côtières sur un voilier habitable. L’utilisation et la présence d’écrans donne l’illusion de pouvoir s’en passer. C’est une erreur qui est à la source de nombreux accidents.
C’est aussi une démarche qui permet d’être au centre d’un paysage, en position d’observation permanente. Cela donne un plaisir de se sentir connecté à son environnement. On en remarque les signes qui nous permettent de comprendre son environnement, d’anticiper sur un changement de conditions. Et aucune tablette ne remplacera cela !
