Escale au pied du phare de L’île Vierge

Dans le nord du Finistère est le pays « Pagan ». On dit de ses gens qu’ils étaient des naufrageurs. On le dit. Ce qui est sûr, c’est que les cailloux y poussent bien, et pour faire naufrage dans les parages de l’île Vierge, nul besoin d’une lanterne amarrée à la corne d’une vache.

L’île Vierge et ces sentinelles de granite

Quand la houle de nord ouest se lève et que l’on pointe son étrave à l’entrée du chenal de l’Aber Wrac’h, on ne fait jamais le malin. L’enfilade de roches depuis la bouée du Libenter jusqu’à l’île Vierge est au premier poste pour recevoir le courroux des flots. Et mise à part le chenal de la Malouine, on imagine pas un jour possible d’y glisser le bout de son étrave.
Mais voilà , il y a aussi des jours ou la mer est de belle humeur, et un petit passage entre les roches offre une halte hors du temps. Pour étudier les lieux avant d’envisager une approche avec Lord Jim, je dois vous dire que c’est en kayak et à marée basse que je suis allé repérer les abords.

Approches de l’île Vierge

Mercredi 26 juillet 11h : le phare de l’île Vierge est maintenant bien visible dans notre sud. De retour des îles Scilly, à la pointe de Cornouailles anglaise, avant un coup de vent de sud ouest, nous envisageons de profiter de la journée encore calme pour s’offrir une escale de choix. Nous laissons l’île Vierge et ses phares, le petit et le grand, sur notre bâbord et nous glissons entre les imposants blocs de granit sur lesquels huîtriers pies et cormorans nous regardent évoluer incrédules. Le milieu de la passe est sain et on vient mouiller sur fond de sable dans le sud ouest de l’île Vierge. Calme absolu.

escale à l'île vierge

Débarquement à l’île Vierge

L’annexe est gonflée en deux temps trois mouvements par les apprentis Shadoks, et nous voilà partis pour découvrir le phare en pierre le plus haut du monde, excusez du peu ! Coup de chance, la visite est possible, et nous gravissons les 397 marches en colimaçon qui nous mènent sous la lanterne. Le cylindre intérieur est tapissé de carreaux d’opaline bleu azur sur toute sa hauteur. Cet ouvrage a été édifié en 1899 pour remplacer le feu antérieur datant de 1845. Ce vieux phare qui fonctionnait avec de l’huile de Colza est toujours en place. Il continua à abriter les gardiens de phares jusqu’à l’automatisation qui survint en 2010. Du haut des 82 mètres de l’ouvrage, le spectacle est époustouflant.

Un éclat blanc tout les 5 seconde, c’est la « signature » du phare. ( Fl W 5s 82m 27M). Visible théoriquement à 27 milles, il nous est apparu ce matin vers 4 heures, et les barreurs successifs ont gardé ce point de mire jusqu’à l’extinction de la lanterne au levé du jour. Amusant d’y être, là, juste sous cette imposante lentille de Fresnel.

Autour de l’île Vierge : la grève

De retour à bord, la mer est bien descendue et nous profitons du début du flot pour aller promener les haveneaux sous les touffes de fucus et ascophyllum, ces algues brunes où aiment se cacher les crevettes. Ambiance de grève loin des bruits du continent. Les Algues rouges vertes et brunes sont éclatantes de couleur et ondulent gracieusement dans le courant. Une belle poignée de bouquets et 4 étrilles viendront agrémenter l’apéro.

Cecile, Bertand et Marine reviennent d’une balade en kayak et paddle. Ils ont croisé un phoque dans le nord de l’île. L’animal faisait son curieux et montrait ses moustaches et ses yeux ronds à quelques mètres seulement du kayak.

Vers les abers

Nous nous retrouvons à prendre un petit thé, seuls, planqués dans notre crique de pirate en voyant croiser au large les voiles de ceux qui vont de marinas en marinas. Le temps s’est arrêté. Il nous faudra pourtant nous arracher de là, car un coup de vent de sud ouest est prévu pour la nuit à venir, et le paradis pourrait se transformer en enfer. Nous hissons et dérapons à la voile, sans un bruit de moteur, juste le cliquetis du guindeau à bringuebale. Une légère brise propulse la silhouette noire de Lord Jim dans les chenaux qui mènent à l’Aber Benoît. Ce sera le havre parfait pour passer une nuit paisible.