Les Cornish Pilot Gig des iles Scilly, des bateaux d’exception

Les « Cornish pilot gig » sont des yoles (un « six barré ») dont l’équipage se compose de six rameurs (1 aviron par rameur) et d’un barreur. La gig mesure 32 pieds de long (9.8m) pour une largeur de 4 pieds 10 inches (1.47m). Impossible de naviguer en croisière dans l’Archipel des Scilly sans croiser une gig à l’entrainement. Ce bateau est étroitement lié à l’histoire maritime des Scilly. Autrefois bateaux de travail, les gigs sont aujourd’hui les stars de courses acharnées et d’un Championnat du monde qui réunira une centaine de gigs en mai 2018 aux Scilly. L’équipage de Lord Jim sera présent, aux premières loges pour vivre cet événement.

Le championnat du monde des gigs aux Scilly à bord de Lord Jim

L’origine des Cornish Pilot Gig présents aux Scilly et en Cornouailles anglaise

Scilly-pilot-gig bateau de sauvetage
Pilot gig des iles Scilly

Les gigs furent l’un des premiers bateaux de sauvetage utilisés dans l’archipel des Sorlingues. Elles partaient de terre pour porter secours aux bateaux en détresse. De nombreux sauvetages effectués par des Pilot Gigs sont enregistrés dès le 17e siècle. Le plus ancien sauvetage connu, a été réalisé par l’équipage d’une gig de l’île de St Mary qui a sauvé l’équipage du Royal Oak le 18 janvier 1665, après un naufrage sur Pednathise Head à proximité de Bishop rock.
Les Pilot Gigs ont toujours été des bateaux de travail. Leur rôle principal au 18ème siècle, avant celui de bateau de sauvetage, était d’acheminer à bord des voiliers en approche du continent, un pilote. Les pilotes les guidaient après une traversée de l’Atlantique pour entrer en Manche où franchir l’archipel des Scilly avant de remonter vers le Pays de Galles ou l’Irlande. Les gigs ont connu une histoire fantastique et naviguent toujours aujourd’hui.
Le but était d’accoster rapidement ce voilier en approche pour y embarquer son pilote. C’était une véritable course pour être le premier à déposer son pilote à bord et obtenir le contrat. Dès qu’un voilier était repéré, plusieurs pilotes pouvaient partir des différentes iles de l’archipel des Scilly. Une course s’engageait alors entre les gigs des différentes iles pour être les premiers à l’atteindre. Il y avait aussi urgence, étant donné la présence des roches, le courant et le brouillard fréquent à l’approche des îles Scilly. Les voiliers se présentant à l’entrée de la Manche ou en route vers l’Irlande et les Scilly ne pouvaient pas attendre.
La gig de St Agnès était souvent la première à déposer son pilote à bord. Cette ile est en effet la plus proche des Western Rocks, une zone particulièrement délicate à négocier pour la navigation. Les besoins de pilotes était telle qu’ils furent jusqu’à quatre pilotes, et donc quatre équipages de gigs à résider sur St Agnès, prêts à prendre la mer au premier signal. Chaque pilote possédait sa propre gig. Les quatre gigs étaient prêtes à prendre la mer, dès qu’une voile apparaissait au large du phare de Bishop. Les pilotes des Scilly étaient considérés comme faisant partie des meilleurs pilotes au monde. Ils étaient accrédités par la Trinity House Lighthouse Service, administration créée au 16e en Grande Bretagne pour assurer la sécurité de la navigation et des marins.
Au 18e siècle les gigs des Scilly pouvaient avoir différentes formes en fonction des besoins. Les gigs fines et longues étaient rapides pour acheminer les pilotes, d’autres plus larges et plus stables servaient au transport de marchandises entre les iles de l’archipel. L’archipel des Scilly compte actuellement une quinzaine de gigs. Au 18e siècle on en dénombrait près du double.
Aujourd’hui les gigs ne sont plus utilisées que pour le loisir. Mais la compétition entre les îles est toujours aussi acharnée à l’occasion des courses qui se déroulent toute l’année ! Ces courses hebdomadaires sont une véritable institution aux Scilly, et réunissent toute la communauté. Durant l’été, la course des hommes se déroule le vendredi soir et réunit une dizaine de gigs. Les femmes elles se retrouvent le mercredi soir pour leur course. Chaque course est suivie par une foule de bateaux transformés en « kop de supporters »… Tout ça se terminant bien évidement aux pubs.

Petit retour en arrière sur les gigs les plus anciennes naviguant encore aujourd’hui

L’une des gigs les plus récentes à naviguer est Galetea de l’ile de St. Martins, construite en 2000. La plus ancienne est Bonnet de St. Mary’s, construit en 1830, qui navigue et participe toujours à des courses !

Galatea Scilly gig


1812 – Construction de Newquay, considérée comme la plus ancienne des gig à naviguer encore aujourd’hui

1820 – Construction de Dove.

Treffy Newquay Scilly gigs


Newquay et Dove appartiennent aujourd’hui au Newquay Rowing Club qui a eu un rôle important dans le renouveau et la restauration des gigs en Cornouailles.

1830Bonnet est construite par la famille Peter pour le pilote John Nance. Bonnet « aurait fait » de la contrebande, et compterait plus de 25 traversées de Manche, entre les Scilly et Roscoff, sur des trajets aller-retour de 250 miles nautiques !

Bonnet Scilly Gig
Treffy Pilot Scilly gig


1833 – Construction de Treffy, pour la Société Treffy de Newquay. Elle fut l’une des plus rapides et des plus longues (32 pieds) construite par la famille Peter. Les Peter sont une célèbre famille de constructeurs de gigs originaire de St Mawes en face de Falmouth. Cette famille Peter réunit entre autres le père William Peters et son fils Nicholas. A l’origine les gigs étaient bordées à clin en orme de Cornouailles. Treffy navigue toujours et sert aujourd’hui de modèle pour définir les mesures standard des nouvelles gigs en construction.

Treffy Pilot Scilly gig


1849 – Samuel Tiddy s’installe aux Scilly, après un apprentissage au chantier Peter. Dans son chantier il construit plusieurs gigs : O&M, the Sultan, Hope et Leo.

Hope (« espoir » en anglais…) serait la dernières gigs à avoir fait de la contrebande entre Scilly, Cornouailles et Bretagne.

La gig, un bateau à tout faire : Pilotage, sauvetage et contrebande…

Comme on vient de l’évoquer, parallèlement au commerce maritime florissant, entre le Royaume uni et le continent c’est développé le smuggling ou « commerce interlope ». Le smuggling c’était le commerce sans les taxes douanières tout en s’accommodant des « contraintes » des nombreux conflits entre les états bordant la Manche. Les gigs ont largement participé à cette contrebande qui était particulièrement active entre la Bretagne, la Cornouailles anglaise, les îles Anglo-normande et les îles Scilly. De Roscoff à Polperro en passant par St Mary les gigs ont été souvent utilisées à l’aviron ou à la voile pour ce trafic.

Gig des Scilly sous voile

Pour les longs trajets comme les traversées de Manche, les gigs pouvaient être gréées d’une misaine et d’un tape-cul à livarde. Grace à ce gréement très simple les « smugglers » pouvaient traverser La Manche en une douzaine d’heures !
Bref à la voile ou à l’aviron les gigs allaient très vite… bien trop vite pour les douaniers ! Au début du 18e siècle le Smuggling Act est promulgué pour lutter contre cette contrebande. Parmi les nouvelles règles, une interdiction vise spécialement les gigs : « interdiction d’utiliser des embarcations propulsées par plus de quatre avirons, sous peine de confiscation et destruction des bateaux ». Résultat : en 1829 les pilotes de Scilly seront obligés de demander une autorisation spéciale pour pouvoir utiliser des embarcations de trente pieds (9.10 m) et six avirons pour le pilotage.
Mais les règlements du Smuggling Act n’ont pas arrêtés les traversées de Manche sur des gigs, pour échanger des œufs et des légumes contre du tabac, du rhum et de l’eau de vie. Bonnet fut ainsi construite en 1830 par Peters pour le contrebandiers John Nance de l’Ile de St Martin. Cette gig aurait effectué 25 allers-retours entre les Scilly et la Bretagne. (sources « Contrebandiers – Smoglers en Manche » de Jacques BLANKEN) Cet excellent livre fait partie de la bibliothèque du bord de LORD JIM.

La Cornish Pilot Gig Association (or CPGA)

Aujourd’hui les gig ne servent plus à l’activité de contrebande ni au transport des pilotes. Ces bateaux naviguent pour le loisir et la compétition. L’association Cornish Pilot Gig Association a été créée en 1986 pour gérer et contrôler les caractéristiques des « Cornish Pilot Gigs ». Avec le développement et la popularité des courses de gigs, de nombreux clubs et propriétaires de bateaux ont rejoint la CPGA. Les courses de gigs se sont développées dès le milieu du 19e siècle, dans toute la Cornouailles anglaise et nécessitaient la définition de règles communes. Aujourd’hui la CPGA contrôle et gère de très nombreuses courses de pilot gig. Elle regroupe en 2018 près de 75 clubs répartis dans 9 pays différents et rassemble environ 200 gigs traditionnelles en bois.

Un championnat du monde, le World Pilot Gig Championships

Championnat des gigs aux Scilly

Aujourd’hui on compte environ une centaine de clubs de gigs dans le monde. Le plus grand nombre de clubs se situe bien sûr en Cornouailles et dans les iles Scilly, mais on en trouve également dans le Somerset, le Devon, le Dorset, au Pays de Galles et à Londres. De nombreuses gigs naviguent également en dehors des eaux britanniques : au Pays Bas, aux Iles Féroé, en Australie, aux USA sans oublier la France.
Le Championnat du Monde des gigs réunit tous les ans au printemps les rameurs du monde entier aux Scilly. Deux journées de courses acharnées dans des ambiances surchauffées, où une horde de bateaux de supporters transforme St Mary Sound en véritable stade de foot. Parmi les gigs en compétition en 2018 on retrouvera quatre des plus anciennes gigs : Czar, Shah, Golden Eagle et Bonnet.