Le phare du Fastnet, à découvrir à l’occasion d’une croisière sur Lord Jim
Le phare du Fastnet ; son nom évoque forcément quelque chose pour chaque marin. Un mélange d’appréhension et de fascination, pour ce phare qui se dresse face à la houle de l’Atlantique nord. Lord Jim au cours de ses nombreuses croisières à la voile en Irlande, connait bien ses parages, et le signal d’un éclat blanc toutes les 5 secondes, sert souvent de repère, pour un atterrissage sur les côtes sud-ouest d’Irlande.
Les destinations croisières hauturières de Lord Jim
L’Irlande fait partie des destinations croisières de Lord Jim depuis de nombreuses années. Au programme, une traversée de 250 miles au départ de Brest avec une traversée de la Manche puis de la Mer d’Irlande, dont le nom comme celui du Fastnet est « pleine de sens » pour ceux qui naviguent. Ce programme de croisières hauturières vers l’Irlande s’apparente aux croisières programmées vers la Galice. La distance pour traverser le Golfe de Gascogne est à quelque chose près la même. Les croisières hauturières proposées par Lord Jim sont l’occasion de découvrir ces destinations en toute sécurité, en profitant de la longue expérience de Lord Jim et de son skipper, Yann.
A bord de Lord Jim on navigue en toute sécurité c’est certain, mais cela n’empêche pas d’avoir l’estomac un peu noué, en quittant Ouessant, cap au 317° pour une trentaine d’heures de traversée vers le phare du Fastnet. La preuve, le magazine britannique yachtingworld.com se posait la question « pourquoi le phare du Fastnet fait toujours aussi peur aux marins ? » dans un article publié en 2017.
Phare du Fastnet sur Fastnet Rock, le Cap Horn de l’hémisphère Nord
Beaucoup de navigateurs considèrent le Fastnet Rock, comme le Cap Horn de l’hémisphère Nord, et la légende s’est forgée autour du nom de ce rocher au gré des tempêtes, des naufrages et des drames comme celui de l’édition 1979 de la course du RORC pendant la « Fastnet race ». Quand on enroule le phare du Fastnet pour la première fois, on est toujours surpris de découvrir que le Fastnet Rock qui a fait peur à tant de marins, se trouve juste à 4 miles nautiques des côtes d’Irlande.
Origine d’un phare mythique
Le phare du Fastnet a été construit au début du 20ème siècle pour remplacer le précédent phare de Cape Clear Island construit en 1818, que les marins apercevaient souvent trop tard. Nous avions fait étape à Clear Island avec Lord Jim en juin 2017.
Les brumes fréquentes et la houle rendaient l’arrivée des bateaux délicate après une traversée de l’Atlantique. En 1847 le clipper américain Stephen Whitney qui faisait route de New York vers Liverpool, fait naufrage sur West Calf Island un îlot à quelques miles au nord de Cape Clear Island. La quasi-totalité de l’équipage périt. Suite à ce drame la décision est prise de construire un nouveau phare sur le rocher du Fastnet, dont le nom irlandais « An Charraig Aonair » signifie « le rocher qui se dresse seul ».
Le premier phare du Fastnet est construit en fonte, avec une structure maçonnée intérieure en brique. La lampe était alimentée avec de l’huile. Sa construction s’achève en 1854. Il est placé au point le plus haut du rocher, et culminait à 28 mètres de haut. Mais malgré cela, la houle qui le pilonne à chaque tempête finit par le détruire. Après la destruction de ce premier phare, Irish Light, les « phares et balises » irlandais réfléchissent à une nouvelle structure.
Le chantier est confié à William Douglass, un ingénieur en chef pour qui la construction de phare est une histoire de famille, son père ayant construit le phare de Wolf Rock situé entre Land’s End et Les Scilly.
Douglass choisit de placer la base du phare sur une plateforme basse du rocher faisant face à la houle d’ouest. La base du phare se trouve ainsi immergée à marée haute. Cela permettait au phare d’encaisser les vagues avant qu’elles n’atteignent leur hauteur maximale.
William Douglass va utiliser la même méthode que celle de son père pour la construction. Les blocs de granit gris seront débités dans une carrière de Penrhyn en Cornouailles. Les blocs, pesant entre 1.7 et 3 tonnes, sont assemblés entre eux par une queue d’aronde pour assurer un ensemble parfaitement homogène. Ceci donne au phare sont aspect monolithique. Les blocs sont assemblées sur place en Cornouailles section par section pour vérifier leur cohésion, avant d’être transportés par la mer jusqu’en Irlande. En 1896 débute le transport de plus de 2000 tonnes de granit jusqu’au port de Crookhaven en Irlande. Le mauvais temps et la difficulté d’approvisionnement en granit retardent énormément le chantier. Après William Douglass, la responsabilité du chantier est confiée à C.W. Scott, épaulé par un jeune maçon et tailleur de pierre James Kavanagh, qui travaille sur le chantier du phare depuis le début. Kavanagh est totalement engagé dans la tâche. Il passera 10 mois sur 12 sur son rocher d’aout 1896 à juin 1903…
La journée de travail débute à 5h pour neuf heures de travail (payés 3 shillings). Nombreux sont les ouvriers qui restent sur place le soir de peur de ne pouvoir accoster le lendemain à cause de la houle. Les blocs de granit sont acheminés jusqu’au rocher du Fastnet par un bateau à vapeur, le Lerne. La houle ne lui permettant pas d’accoster, le Lerne est mouillé à proximité. Une barge sert à acheminer les blocs qui sont ensuite hissés sur le rocher. Chaque bloc en ensuite minutieusement positionné. A la fin du chantier la différence de hauteur du phare avec le plan d’origine est de 0.6 cm, pour une tour de 46 mètres de haut. Kavanagh, s’épuise à la tâche et sera contraint, après sept ans de travail, de quitter le chantier avant la pose de l’optique. Le 27 Juin 1904 le phare du Fastnet entre enfin en service. A cette époque le phare possède un brûleur à paraffine. L’optique est portée par un anneau immergé dans un bain de mercure. En 1985 lors d’une terrible tempête une vague a atteint l’optique (situé à 54m de haut…). O’Driscoll, le gardien qui se trouvait là à ce moment, raconte que la vitre s’est cassée sous la pression et que la cuve de mercure a été renversée, inondant les escaliers du phare. Par chance cette « rogue wave » n’a pas été suivie par une seconde identique. Pour le gardien, le phare n’aurait pas supporté le choc d’une seconde vague aussi forte.
L’optique actuelle à deux niveaux comprend quatre panneaux catadioptriques tournant sur un bain de mercure. Le feu sera électrifié en 1969. Son intensité de 1 823 000 candelas, lui donne une portée de 27 milles nautiques. Le Fastnet automatisé en 1989, n’est désormais plus gardé. La gestion et l’entretien du phare sont confiés à Irish Lights, l’autorité générale de gestion des phares en Irlande. Mais le fait d’être non gardé, tend à aggraver les dégradations sur la structure, comme on le constate aussi sur les phares de la Mer d’Iroise.
Un phare n’est pas une construction comme une autre. Les ouvriers qui les ont construits afin d’éviter des naufrages, ont pris des risques incroyables pour réussir cette prouesse. Qu’il s’agisse du phare du Fastnet ou des phares de Bretagne, espérons qu’on saura les préserver…
Lors de votre prochaine croisière à bord de Lord Jim vers l’Irlande vous croiserez surement la silhouette du phare du Fastnet. Pensez à boire une pinte de Guinness à la mémoire James Kavanagh !