Une croisière Galice à la place de l’Irlande

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En guise de traversée vers l’Irlande, c’est une croisière vers la Galice, à l’assaut du Golfe de Gascogne que les contraintes COVID nous ont permis de réaliser en ce mois de Juin 2021. Croisière Galice. Alexis nous livre ici ces impressions.

l’art d’adapter son plan de navigation


A Brest sur les terrasses bondées, malgré la chaleur et un soleil particulièrement revigoré, on ne parlait encore plus que de vaccins et de tests PCR entre deux lampées mousseuses. La promesse -vérifiée- de longue houle et de pêche au thon jetée sur la table de Lord Jim finit par mettre d’accord tout l’équipage et c’est avec l’enthousiasme de futurs aspirants que nous saluâmes la pointe de Pen-Hir pour quitter les foules et gagner le large.

L’horizon, alors, n’était plus barré que d’un trait de fusain dans le contre-jour, nous allions effacer Sein le soir même.

Croisière Galice

Ambiance du large, en route vers la Galice.


Faire route, répondre à la suprême injonction d’être en mer, diluer dans l’écume l’écoulement du temps jusqu’à oublier la fébrilité du bachelier devant sa copie : vous avez quatre heures ! Dans quatre heures il faudra s’extirper de sa bannette, décrocher son ciré à tâtons, se tromper de brassière, tirer sur le caoutchouc de ses bottes. Le camarade enfin relevé nous donnera un cap et dans un demi-sommeil battu en brèche par de généreuses bouffées d’air frais, nous tenterons de nous rapprocher du 190. A terre nous n’aurions qu’à monter dans le train 5746 ou suivre les panneaux de l’A63… Quand le voyage fait appel à la numérologie l’imaginaire peut tourner à plein régime et dans cet immense tableau sans ligne de fuite la contemplation devient un mode de vie.
Les dauphins ont longuement accompagné notre étrave, sachant peut-être mieux que nous l’objet de nos pérégrinations. De nuit, le spectacle devenait même féérique : tandis que le plancton illuminait le sillage de paillettes fluorescentes, la mer se zébrait furtivement de marbrures blanches et le bouillonnement des nageoires dans la lueur tamisée des feux de navigation nous menait à travers ce monde onirique et sifflant. Une baleine, imperturbable dans sa lente migration, est également venue nous croiser au petit matin. Elle aussi semblait parfaitement connaitre sa destination et disparut avant que nous ayons pu l’interroger…
Après trois jours rythmés par les quarts, les changements de voile, les prises de poisson et les apéros dans le cockpit nous avons finalement atteint la Galice, découvrant La Corogne au bout de la brume, guidés comme d’anciens romains par la Tour d’Hercule. Escale humide mais riche de sa gastronomie et d’élégantes découvertes architecturales dans le centre historique. Les Galerias protègent de leurs verres les façades anciennes comme les constructions modernes et nous disent qu’en ces contrées de lande et de falaises rocheuses  la météo est rude. D’ailleurs il nous fallut repartir presqu’aussitôt avec une dépression qui risquait, les jours suivants, de nous barrer la route.

Croisière Galice

Golfe de Gascogne quand tu nous tiens…


Nouvelle traversée, donc, en avant d’un front, mouillés de grains roublards, séchés d’éclaircies salvatrices, rayant les vagues de blanc et de bleu profond comme la vareuse d’un conscrit, direction l’île d’Yeu pour une arrivée à Port-Joinville avant la bascule. Le vent s’était essoufflé avant de prendre du Nord, le soleil pouvait se coucher sur une mer plate, dans le moelleux d’un ciel magnifiquement boursouflé de cumulus gris, roses et dorés…
Bonites en bandoulière c’est avec les flonflons de la fête de la musique que nous abordâmes ces quais aux thoniers d’illustre mémoire. 
Côte sauvage et murs blancs, après une journée à bicyclette, pédalant en insulaires sur les sentiers bordés de roses trémières, la mer nous rappela et c’est au près que nous mîmes le cap sur Belle-île, penchés, secoués dans le gris uniforme de cet été qui peinait à s’installer. Nous trouvâmes un peu de répit dans le mouillage de Bangor qui nous autorisa une petite virée verdoyante vers les criques de Goulphar. La quiétude des hameaux demeurait simplement troublée par le ronronnement des taille-haies, les maisons secondaires allaient très vite remplir leurs tablées familiales. 

Croisière Galice

Retour de Galice, Lord Jim en escale à Belle île

Navigation de nuit le long de la Bretagne sud au retour de croisière Galice


Finalement rattrapés par nos obligations d’urbains nous devions nous engager dans un nouveau contre-la-montre pour rentrer, et c’est de nuit que nous longerons la bretagne Sud dans une glisse limpide. Soavuus la voute étoilée, notre coque filante vit passer Groix, les Glénans, la pointe de Penmarch. Le  port altier d’Eckmühl nous fit basculer sans encombre en baie d’Audierne autour des 4h, évitant les nombreux pêcheurs présents sur zone. Le raz de Sein fut remonté dans la matinée avec le courant. Ce pays de haut-fonds paraissait paisible, tout comme les nichées d’oiseaux visitées entre les roches des Tas de Pois… Rien à voir avec les récits tempétueux de la bibliothèque du bord, calés entre les BD, enquêtes dans le phare d’Ar-Men et les couleurs d’Yvon Le Corre.
Le dernier sas avant le retour aux restrictions épidémiques, vert, sauvage, tranquille, nous fit mouiller à Plougastel. Nous n’étions plus vraiment en mer mais pas encore complètement débarqués. L’été avait disparu peu après notre départ et c’est sous un triste crachin que nous avons bouclé cette boucle d’évasion, éphémère permission d’une époque que nous n’étions pas pressés de retrouver. 
La clameur publicitaire du Tour de France nous attendait. Partis mille ans mais rien n’avait changé…
Meilleur souvenir et bonne rentrée.
Alexis